InTerreCo pose un regard neuf sur les hauts lieux touristiques du monde. Les membres du collectif ambitionnent de questionner leurs impacts sur les territoires qui les hĂ©bergent, en termes dâattractivitĂ© et dâidentitĂ© culturelle, voire de retombĂ©es socio-Ă©conomiques et environnementales. Eu Ă©gard Ă cette ambition, quoi de mieux que d’Ă©tudier les 7 Merveilles du Monde Moderne sur une sĂ©rie de 7 articles ?! Pour ce mois d’avril, InTerreCo vous fait voyager vers une nouvelle destination : la Jordanie, Ă la rencontre de PĂ©tra, une citĂ© antique mystĂ©rieuse Ă l’hĂ©ritage culturel sans pareil.
PĂ©tra, une citĂ© mythique fascinante, Ă lâhĂ©ritage culturel unique
PĂ©tra a connu l’influence de plusieurs peuples et civilisations, entre autres : nabatĂ©enne, romaine, byzantine et celle des croisĂ©es. Cette diversitĂ© culturelle des peuples de PĂ©tra est Ă l’origine de sa richesse culturelle et de son hĂ©ritage unique au monde.
L’influence NabatĂ©enne
Cité Troglodyte construite au sein mĂȘme de la roche et situĂ©e dans l’actuelle Jordanie, PĂ©tra porte en elle une histoire singuliĂšre. Tout comme le Machu Picchu, elle a Ă©tĂ© oubliĂ©e durant des siĂšcles. Elle est redĂ©couverte le 22 aoĂ»t 1812 par le jeune explorateur suisse Johann Ludwig Burckhardt. Son emplacement gĂ©ographique stratĂ©gique fait dâelle une plaque tournante du commerce de la route de lâencens. En effet, le commerce a Ă©tĂ© une des clĂ©s de grandeur de la citĂ© vermeille. La route commerciale reliait lâInde Ă lâĂgypte, en passant par le YĂ©men, lieu oĂč lâencens voyageait jusquâĂ PĂ©tra, puis vers Gaza et Damas.
La construction de PĂ©tra fut amorcĂ©e au cours du 8á” siĂšcle avant J-C, mais câest Ă partir du 6á” siĂšcle avant J-C que cette citĂ© connaĂźtra un vĂ©ritable essor avec l’arrivĂ©e du peuple nabatĂ©en. Ce peuple de marchands nomades dâArabie vit en PĂ©tra un site naturel au potentiel inestimable. Ainsi, ils en firent une des capitales majeure du commerce de produits rares : « les cavaliers y transportĂšrent des Ă©pices provenant de lâInde, de lâencens provenant dâArabie, de la soie provenant de la Chine, ou encore de la myrrhe. Leur prouesse logistique rĂ©sidait dans le fait que ces produits transitaient par des dĂ©serts ardents et des montagnes aux hauteurs vertigineuses ».
GrĂące Ă leur statut dâintermĂ©diaires commerciaux et Ă leur connaissance de cette route qui se veut hasardeuse, les nabatĂ©ens ont pu acquĂ©rir de nombreuses richesses et faire prospĂ©rer leur citĂ©. Ils furent lâune des tribus arabes les plus riches, ayant un contrĂŽle absolu dâun vaste territoire regroupant la Jordanie, le nord-ouest de lâactuel Arabie Saoudite et le sud de la Syrie. La richesse de la population se voit ainsi ostensiblement affichĂ©e sous la forme dâimmenses façades creusĂ©es Ă mĂȘme la roche de grĂšs, pouvant atteindre les 50 mĂštres de hauteur et 40 mĂštres de largeur. Ce peuple y construisit, au cours du 1er siĂšcle avant J-C, de nombreux monuments tels que le tombeau d’Al-Khazneh qui signifie âtrĂ©sorâ en langue Arabe.
L’influence Romaine
Au cours du 1er siĂšcle avant JC, les romains vont fortement sâintĂ©resser au Proche-Orient. Ils vont ainsi coloniser la rĂ©gion et crĂ©er la province romaine de Syrie en 64 avant J-C. Gouverneur de cette toute nouvelle province, PompĂ© va lancer une offensive Ă lâencontre du peuple nabatĂ©en et de PĂ©tra. Elle se soldera par un Ă©chec due Ă une forte rĂ©sistance des nabatĂ©ens qui conservent ainsi lâindĂ©pendance de leur royaume.
Au fil des annĂ©es, la puissance militaire romaine se voit renforcer dans la rĂ©gion. Toutefois, ne pouvant toujours faire face militairement aux nabatĂ©ens, les romains dĂ©cidĂšrent de fragiliser leur Ă©conomie en dĂ©plaçant les nombreuses routes caravaniĂšres. Au cours de lâan 106, lâEmpire Romain dĂ©cida Ă nouveau dâenvahir et dâannexer le royaume nabatĂ©en sous le rĂšgne de lâempereur Trajan. Cette conquĂȘte marque la fin de la domination nabatĂ©enne sur cette province, alors renommĂ©e Arabia Petraea et ayant pour capitale PĂ©tra.
A la suite de son incorporation Ă lâEmpire Romain, PĂ©tra connaĂźt un nouvel Ă©lan dans de nombreux domaines tels que le commerce avec la crĂ©ation de la nouvelle « Via Nova Traiana » entre Bosra et Aqaba. Sur le plan architectural, la citĂ© prospĂšre grĂące aux codes architecturaux classiques des villes romaines et Ă la construction de plusieurs bĂątiments : un Cardo Ă colonnade, un théùtre, un forum ou encore des termes. NĂ©anmoins, lâouverture des voies maritimes Ă lâĂ©poque romaine a eu des incidences sur le flux commercial de la citĂ©. Elle a conduit Ă la dĂ©viance des flux commerciaux de PĂ©tra vers la mer et a entraĂźnĂ© une crise Ă©conomique qui fut fatale Ă la citĂ©.
Lâinfluence Byzantine
Sous la domination Byzantine, PĂ©tra regagne son statut de capitale de province (Palestine Salutaris) et retrouve sa gloire perdue. Elle est Ă©galement sujette Ă de grands amĂ©nagements tels que la transformation du tombeau Ă lâUrne en Ăglise en l’an 446 aprĂšs J-C. La vie Ă©conomique et sociale est Ă©galement bouleversĂ©e avec une Ă©conomie tournĂ©e vers lâexploitation agricole du territoire et non plus vers lâĂ©levage et le commerce caravanier. Sur le plan culturel, on assiste Ă une arabisation de la culture avec lâarabe qui devient au fil du temps une langue vernaculaire.
Rappelons qu’au cours de la conquĂȘte islamique, PĂ©tra perd de son importance et devient un simple village. En 363, un fort sĂ©isme secoua la citĂ© vermeille et la dĂ©truisit en grande partie. PĂ©tra Ă©tant en fort dĂ©clin, cette catastrophe naturelle conduisit au dĂ©part de nombreux habitants.
Lâinfluence des CroisĂ©s
Au Moyen Ăge, PĂ©tra intĂ©ressait grandement les CroisĂ©s au vu de sa position gĂ©ographique stratĂ©gique. En effet, suite Ă la prise de JĂ©rusalem en 1099, les CroisĂ©s dĂ©cident dâĂ©riger une ligne de bastions du nord jusquâau sud, Ă lâEst du royaume latin de JĂ©rusalem. Ce qui a renforcĂ© leur intĂ©rĂȘt pour la citĂ©.
Conquise par Saladin en 1189 aprĂšs J-C, PĂ©tra est laissĂ©e Ă lâabandon Ă la fin des croisades. DĂšs lors, la ville se voit dĂ©sertĂ©e et seuls quelques bergers y rĂ©sident encore. Ainsi, comme bon nombre de civilisations et de lieux, la citĂ© tomba dans lâoubli durant de nombreux siĂšcles.
Une merveille d’architecture et dâingĂ©niositĂ©
C’est au cours de lâannĂ©e 1812 qu’un jeune explorateur suisse, Jean Louis Burckhardt, redĂ©couvre au hasard cette citĂ© disparue depuis des siĂšcles. Initialement partie pour dĂ©couvrir la source du Niger, cet explorateur et orientaliste sâinstalle au Moyen-Orient afin de parfaire sa connaissance de la langue ainsi que de la culture arabe. Au cours de son voyage, il se fait passer pour un marchand indien musulman, sous le nom dâIbrahim ibn Abdullah. Son Ă©popĂ©e le conduit Ă la dĂ©couverte d’une façade sculptĂ©e Ă mĂȘme la pierre, au cĆur dâune citĂ© en ruine. La nouvelle va rapidement se rĂ©pandre, dans un premier temps en Europe, puis dans le monde entier. Cette dĂ©couverte marque une nouvelle Ăšre de prospĂ©ritĂ© pour PĂ©tra jusqu’Ă son statut actuel de merveille du monde.
La citĂ© antique de PĂ©tra compte prĂšs de 680 monuments Ă caractĂšre culturel. Ces monuments participent au modelage de lâespace urbain. Ces vestiges peuvent ĂȘtre de nature religieuses (sanctuaires), mais Ă©galement funĂ©raires (tombeaux) ou encore domestiques comme des chambres (NehmĂ©, 1997).
Lâun des principaux monuments de cette citĂ© antique est le SĂźq, un canyon sinueux et Ă©troit dâ1,2 Km, qui forme Ă lui seul lâentrĂ©e de la citĂ© antique de PĂ©tra. Autrefois pavĂ©, il est possible dây observer un systĂšme de canalisation ingĂ©nieux qui fut Ă©laborĂ© au temps du peuple nabatĂ©en afin dây recueillir les ruissellements de lâeau de pluie et de les rediriger vers les citernes. Aussi, un groupe de pierre y est visible, les djinns, qui abritaient les esprits gardiens de la citĂ© ainsi que la tombe des obĂ©lisques. Au nombre de 4, ils sont sculptĂ©s dans la roche rocailleuse afin dây honorer 4 divinitĂ©s. Ă dos de chameau, Ă cheval ou encore Ă pied, cette gorge bordĂ©e de majestueuses falaises livre de magnifiques paysages oĂč diffĂ©rentes nuances dâocre, de rouge et de rose dansent selon la lumiĂšre du jour. Autrefois, ce passage Ă©tait considĂ©rĂ© comme lâune des principales voies sacrĂ©es de la rĂ©gion. Le wadi Moussa sây Ă©coulait jusqu’Ă sa dĂ©viation aprĂšs la crue meurtriĂšre de 1963.



Le Khazneh (TrĂ©sor) apparaĂźt au sortir du Siq. Il est le monument le plus cĂ©lĂšbre des tombeaux de la citĂ© de PĂ©tra et est taillĂ© Ă mĂȘme la roche et ornementĂ© dans le style hellĂ©nistique. Ce temple abrite la sĂ©pulture du roi, probablement celle du roi ArĂ©tas IV, mort en 40. Dans la culture bĂ©douine, âKhaznehâ signifie âTrĂ©sor du Pharaonâ. La lĂ©gende raconte que lâurne aurait cachĂ© un grand trĂ©sor dâune valeur inestimable. Les impacts de balles visibles tĂ©moignent des tentatives de pillages qui ont eu lieu Ă son encontre. NĂ©anmoins, le monument contribue Ă alimenter le mystĂšre autour de la citĂ© car la date et les raisons de sa construction restent encore aujourdâhui sans rĂ©ponses.


Le monument « Le mur des rois », est un ensemble de tombes royales sculptĂ©es au cĆur mĂȘme de la roche et dotĂ©es de motifs dâune grande finesse. Ces cinq tombeaux furent Ă©rigĂ©s Ă la mĂ©moire de dignitaires nabatĂ©ens. On retrouve entre autres : le « Tombeau de l’urneâ, le âTombeau Corinthienâ, le âTombeau de Sextus Florentinusâ, la âTombe de Soieâ et la âTombe Palaisâ.



Le théùtre NabatĂ©en fut Ă©rigĂ© au 1er siĂšcle aprĂšs J-C et fut par la suite agrandi par les Romains. Entre 3000 et 8500 personnes pouvaient sây rendre afin dâassister Ă des combats de gladiateurs, de fauves ou encore Ă des pantomimes, accompagnĂ©s de chants et de danses. Ces vestiges furent exhumĂ©s en 1960.


Le Cardos Maximus, ou la rue en colonnade offre la possibilitĂ© dâadmirer de nombreux vestiges tels que ceux du nymphĂ©e (fontaine publique), du Palais-royal, de la tour byzantine, la Porte de Temenos ou encore le temple du Qasr al Bint.



Le Qasr Al Bint, âle chĂąteau de la fille du Pharaonâ, est le vestige le mieux conservĂ© de la citĂ© antique de PĂ©tra. Ce sanctuaire, qui domine le cĆur de la ville, est lâĆuvre des NabatĂ©ens qui fut utilisĂ©e Ă des fins sacrificielles. Par la suite, il a subi des Ă©volutions, notamment lors de la conquĂȘte romaine (AugĂ©, 2005).


Au sein des hauteurs de la citĂ© de PĂ©tra, se trouve lâEl Deir (MonastĂšre), lâun des plus grands monuments de la citĂ© qui mesure 45 mĂštres de long et 42 mĂštres de hauteur. Ce temple fut Ă©rigĂ© au cours du IIá” siĂšcle aprĂšs J-C et Ă©tait Ă lâorigine un lieu de culte ou de pĂšlerinage. Il fut par la suite transformĂ© en monastĂšre lorsquâau IV siĂšcle aprĂšs J-C le christianisme se diffuse dans lâensemble de lâempire.



Le haut lieu du sacrifice se situe au sommet de la montagne Atouf Ridge. Ce lieu de culte Ă©tait, sous lâĂ©poque des NabatĂ©ens, destinĂ© aux rituels religieux et sacrificiels donnĂ©s en lâhonneur des dieux. Il est possible dây observer deux autels : lâun destinĂ© aux sacrifices animaliers et lâautre aux offrandes.



Une citĂ© archĂ©ologique dâune grande ingĂ©niositĂ©
SituĂ© au cĆur des montagnes, au sein dâun environnement hostile, PĂ©tra offre un bĂ©nĂ©fice considĂ©rable pour lâĂ©poque. En effet, sa localisation au sein mĂȘme dâune cuvette en fait un amphithéùtre naturel qui va ainsi protĂ©ger les habitants de potentiels ennemis dĂ©sireux dâattaquer la citĂ©.
Cette disposition naturelle permet Ă©galement de rĂ©cupĂ©rer une majeure partie de lâeau de pluie. Bien que les prĂ©cipitations soient peu nombreuses, elles sont fortement condensĂ©es au cours dâune pĂ©riode allant de novembre Ă avril, qui peuvent parfois ĂȘtre dâune grande violence. Le peu de permĂ©abilitĂ© de la roche ainsi que le ruissellement sont des facteurs majeurs qui, grĂące Ă un systĂšme ingĂ©nieux, permettent la captation et le stockage de lâeau. Par lâĂ©laboration dâun systĂšme de canalisation qui va ĂȘtre creusĂ© au cĆur de la roche, les dispositifs vont permettre de rĂ©cupĂ©rer lâeau et dâalimenter de nombreuses citernes et bassins prĂ©sents au sein de la citĂ© de PĂ©tra.
Les wadis, prĂ©sents aux alentours de PĂ©tra, vont permettre de couvrir en grande partie les besoins de la citĂ© en eau. De nouveau grĂące Ă la crĂ©ation de systĂšmes ingĂ©nieux, ils permettent lâacheminement de lâeau ainsi que son stockage. Ces systĂšmes ont permis Ă©galement au peuple nabatĂ©en de cultiver des cĂ©rĂ©ales, des fruits ou encore du coton au cĆur mĂȘme du dĂ©sert.



La maĂźtrise de ces ressources permet aux NabatĂ©ens de construire de nombreux bassins et fontaines en plein cĆur du dĂ©sert. Des bains, inspirĂ©s des thermes romaines, sont Ă©galement construits au cours du 1er siĂšcle aprĂšs J-C. Avant lâinfluence des romains, PĂ©tra a pu grandement bĂ©nĂ©ficier du savoir-faire des ouvriers, des artisans ainsi que des riches habitants dâAlexandrie qui avaient fui les troupes romaines. Cette influence est perceptible Ă travers lâarchitecture de nombreux bĂątiments.
Le tourisme en Jordanie : un secteur florissant en proie Ă de nombreux maux
GrĂące Ă de nombreux acteurs tels que des historiens, des archĂ©ologues et des membres de la population locale, PĂ©tra est aujourdâhui ouverte aux visiteurs. La crĂ©ation du « Petra Tourism Development Project » en 1978, a donnĂ© un nouvel Ă©lan aux travaux archĂ©ologiques. Lâengouement pour cette citĂ© est tel quâelle est classĂ©e au Patrimoine mondiale de lâUNESCO en 1985 et est nommĂ©e comme lâune des 7 Merveilles du Monde Moderne en 2007. Ce lieu fut grandement popularisĂ© en 1989 par les films Indiana Jones et la DerniĂšre Croisade.
Un secteur fortement dépendant du contexte géopolitique
Selon Alrwajfah et al. (2020), le dĂ©veloppement touristique Ă une vĂ©ritable influence sur lâĂ©conomie du pays dâaccueil. Cela va contribuer Ă la crĂ©ation de nouveaux emplois, de restaurants et des services dâhĂ©bergement, Ă lâĂ©mergence de nouvelles opportunitĂ©s dâinvestissements ou encore Ă lâamĂ©lioration de la qualitĂ© de vie des habitants. Toutefois, ces effets positifs dĂ©pendent de la capacitĂ© des diffĂ©rents acteurs Ă co-crĂ©er de la valeur (Agbokanzo, 2019).
Les chercheurs soulignent aussi que ce dĂ©veloppement Ă©conomique est liĂ© Ă la frĂ©quentation touristique, mĂȘme s’ils mettent en garde contre les effets pervers d’une trop forte frĂ©quentation. Ce sont prĂšs de 5 millions de visiteurs par an qui se rendent sur le site de PĂ©tra afin de dĂ©couvrir ce patrimoine culturel d’exception. Depuis 2009, les six communautĂ©s qui entourent la citĂ© de PĂ©tra sont gĂ©rĂ©es par lâAutoritĂ© rĂ©gionale de dĂ©veloppement et de tourisme de PĂ©tra (PDTRA). PrĂšs de 200 guides et 1 500 propriĂ©taires de chevaux et de chameaux sâĂ©vertuent chaque jour Ă conduire les touristes au sein de cette merveilleuse citĂ© de la Jordanie.
Par ailleurs, le tourisme représente une ressource importante pour le royaume de Jordanie avec un poids dans le PIB fluctuant entre 10 et 14%. Ce secteur emploie environ 100 000 personnes. Précisons toutefois que ces chiffres fluctuent grandement selon le contexte géopolitique du Moyen-Orient. En effet, bien que le pays connaisse la paix depuis plusieurs années, des conflits dans les pays voisins viennent perturber la stabilité régionale (exemple : Israël, Palestine, Syrie, etc.). Pour conséquences, les touristes font ainsi un certain amalgame et ont tendance, dÚs lors, à boycotter le pays.
Un secteur souvent décrié par la population locale
En Jordanie, le manque dâeau est une problĂ©matique omniprĂ©sente. Les terres cultivables reprĂ©sentent moins de la moitiĂ© du territoire. Aussi, lâinflation Ă©conomique est extrĂȘmement forte et le taux de chĂŽmage avoisine les 20%. Ainsi, certains investissements dans le secteur touristique et notamment son amĂ©nagement au sein du territoire, sont souvent associĂ©s Ă lâimprudence Ă©tatique.
Selon Alrwajfah et al. (2020), aprĂšs dix annĂ©es dâautonomie, les rĂ©sidents persistent Ă avoir une vision plutĂŽt nĂ©gative des avantages procurĂ©es par le tourisme. Lâexplication se trouve dans la rĂ©partition inĂ©gale des avantages Ă©conomiques entre tous les rĂ©sidents ainsi que le manque dâune planification touristique efficace. Selon Prigent (2012), la prĂ©sence dâun patrimoine mondial peut engendrer une dĂ©formation de la structure Ă©conomique locale. Le succĂšs touristique de ces lieux peut avoir pour consĂ©quence d’entraĂźner un phĂ©nomĂšne inflationniste. LâactivitĂ© locale est fortement associĂ©e Ă la prĂ©sence du site patrimonial ainsi que ses effets Ă©conomiques. Cela va contribuer parfois Ă dĂ©stabiliser la population confrontĂ©e Ă des codes de valeurs qui leurs sont Ă©trangers ou encore Ă de nouvelles inĂ©galitĂ©s sociales et spatiales.
Il existe également une pression exercée sur les ressources naturelles et une production trop importante des déchets. Le systÚme de collecte, de tri ainsi que de recyclage des déchets est fortement critiqué car quasi inexistant. Au-delà de Pétra, nombreux sont les lieux touristiques qui sont sujet à la pollution par des amas de plastique qui jonchent le sol.
Ainsi, cette citĂ© caravaniĂšre souffre de nombreux maux tels que la prĂ©sence de trĂšs nombreux visiteurs ou encore de multiples dĂ©gradations dues Ă lâĂ©rosion et Ă lâaction de lâeau. Dans l’optique de lutter contre ce flĂ©au, les responsables du dĂ©partement des AntiquitĂ©s ont fait appel Ă lâUNESCO afin de les aider au lancement de divers projets qui ont pour but de concevoir un projet dâĂ©tude multidisciplinaire en faveur de la citĂ©, ainsi que la rĂ©alisation dâun laboratoire spĂ©cialisĂ©. DĂšs 1993, un projet âParc naturel et archĂ©ologie de PĂ©traâ a Ă©tĂ© lancĂ© afin de valoriser, de sauver et de gĂ©rer dans une logique durable et solidaire, pour le prĂ©sent et le futur un des sites les plus grandioses de lâAntiquitĂ© (Bouchenaki, 1996).
De nos jours, la citĂ© antique de PĂ©tra reste encore un mystĂšre qui n’a pas livrĂ© tous ses secrets. Ce lieu demeure une source de fascination pour de nombreux dâarchĂ©ologues et fait aujourd’hui encore l’objet de fouilles archĂ©ologiques approfondies. Depuis sa redĂ©couverte au XIXĂšme siĂšcle, PĂ©tra est devenue en quelques siĂšcles un site touristique majeur du royaume de Jordanie. NĂ©anmoins, le gouvernement doit faire face Ă diverses problĂ©matiques concernant l’environnement et la dĂ©gradation du site. Aussi, les problĂšmes dâalimentation en eau engendrĂ©s par le tourisme de masse, se rĂ©vĂšlent Ă©galement ĂȘtre problĂ©matique. Pour autant, lâinscription de la citĂ© antique au Patrimoine mondiale de lâUnesco a permis Ă la ville de bĂ©nĂ©ficier de nombreuses subventions et dâactions de lâinstitution afin de prĂ©server ce site historique. De plus, le pays a souffert du printemps arabe de 2011 et souffre aujourd’hui encore des conflits des pays voisins provoquant une diminution du tourisme dans la rĂ©gion du Proche-Orient, y compris en Jordanie oĂč des rĂ©voltes internes sont inexistantes.
BIBLIOGRAPHIE
Agbokanzo K. S. (2019) Dynamiques de contruction de l’image d’une destination touristique et leurs influences sur la participation Ă la crĂ©ation de valeur : une application Ă la destination Blois Chambord – Val de Loire ThĂšse de Doctorat en Sciences de Gestion de l’UniversitĂ© de Tours.
Alrwajfah M. M., Almeida-GarcĂa F. et CortĂ©s-MacĂas R. (2020) Femalesâ perspectives on tourismâs impact and their employment in the sector : The case of Petra, Jordan Tourism Management (78) DOI : 10.1016/j.tourman.2019.104069.
Augé C. (2005) Nouvelles recherches autour du Qasr Al Bint à Pétra (Jordanie) Revue Archéologique (1) : 186-192. Retrieved February 6, 2021.
Bouchenaki M. (1996a) Action de lâUNESCO en faveur de la prĂ©servation du patrimoine culturel de lâAntiquitĂ© Bulletin de la SociĂ©tĂ© Nationale des Antiquaires de France 1994(1) : 76â86.
NehmĂ© L. (1997) L’espace cultuel de PĂ©tra Ă l’Ă©poque nabatĂ©enne Topoi. Orient-Occident 7(2) : 1023-1067.
Prigent L. (2012) Le patrimoine mondial est-il un mirage Ă©conomique ? Tourisme et patrimoine mondial 30(2) : 6â16.